Bienvenue dans ma chronique spécialisée sur le cyclisme féminin.
Si vous êtes prêts, alors attachez vos jugulaires et commençons les présentations.
Après un passé de nageuse puis 10 ans de triathlon, un nouveau défi s’est ouvert à moi à la suite du confinement. Lors des premiers mois d’enfermement, parquée dans un petit appartement parisien, avec le home-trainer dans le salon, un tapis de course dans la cuisine et des élastiques de natation accrochés aux barreaux de ma fenêtre, j’ai tout simplement étouffé !



Au-delà du manque d’air, j’ai eu besoin de sortir d’un projet de performance solitaire « contre le chrono » et de retrouver du collectif, de la vitesse et de l’adversité.
Le feu vert de Monsieur Paul Brousse, après une sortie mémorable en terre Poîtevine, m’aura fait basculer sur un projet 100% vélo. Le genre de sortie où tu pars pour 3h au chaud, dans un groupe semblable à un petit train, mais que ça tourne vite à 5h à plus de 35 k/h de moyenne, avec une bordure dès la première heure et un retour à la maison les poches vides, avec autant de survivants que sur un fameux Championnat de France à Cassel…
Donc fini « la natation, la course à pied, et la pêche » pour la grande satisfaction de Mr Jacky Durand et sans aucun regret à l’instant T.
Encadré par Sébastien Chavanel, le changement s’est soldé rapidement par deux titres de Championne de France Élite sur Piste en 2021 (Scratch, Course aux points) et un autre en 2022 (Américaine). Hélas, cela ne m’a pas ouvert de portes pour envisager un véritable projet d’entraînement et de performance autour de cette discipline spécifique du cyclisme sur piste.
Et comme je suis du genre à être obstinée, j’ai effectué plusieurs tests en labo pour valider un bon « PPR : Puissance Profil Record », augmenté mon kilométrage et cherché à intégrer une équipe au niveau Continental.
Après avoir signé en 2022 un contrat Professionnel avec l’équipe franco-canadienne Emotional Tornatech, l’aventure s’est terminée au bout d’une saison, faute de moyen.
S’en suit de nombreux envois de CV auprès des équipes françaises et étrangères, acte inhabituel pour une fonctionnaire Capésienne, et après une promesse d’embauche avec Nice Métropole qui est tombée à l’eau, c’est finalement outre-manche, que j’ai été accueilli chaleureusement en 2023 dans l’équipe anglaise Awol O’Shea.


Le tableau semble donc parfait. Mais le passage à 100% vélo, professionnelle dans une équipe étrangère UCI se cumule depuis deux ans, avec un 80% à l’Education Nationale en tant que professeur d’EPS. Si on calcule bien, on tombe sur 180%...
C’est aujourd’hui mon quotidien, sans rémunération de mon équipe anglaise, j’ai besoin de mettre du « beurre salé » dans mes pâtes (en référence à mes années en Bretagne)
Le développement du cyclisme féminin progresse et des salaires minimums sont installés sur le niveau WorldTour, mais pas encore sur le niveau Continental. J’essaye donc d’optimiser au mieux mes choix de vie pour prouver ma valeur, rivaliser malgré mes évidentes contraintes et performer. Je remercie d’ailleurs la cité scolaire Camille See (Paris15) de me permettre de cumuler au mieux ces deux jobs.
Question profil, on ne peut renier son passé, et mes épaules de nageuse prennent pas mal le vent. Les chiffres, issus du logiciel WKO, « le must-have des data scientists » s’orientent sur un profil roule toujours / puncheuse, mais j’aime le vélo quel qu’il soit, et je prends plaisir à gagner en polyvalence et à travailler dur pour gagner en vitesse et en consistance.



La grande question qui revient est donc : comment fais-tu pour t’entraîner à Paris ?
Clairement, je fais, parce que je dois. Je rêve d’une disponibilité qui me permettrait de voir du paysage plus vert, et de l’air moins noir.
S’entrainer sur Paris, c’est un abonnement Zwift, niveau 42. Et chaque sortie vélo parisienne représente un mélange entre cyclocross et critérium pour se faufiler entre les vélib’ et les trottinettes. La grande difficulté réside dans le choix crucial entre prendre la piste cyclable ou non.


C’est réaliser des millions de tours sur le mythique anneau de Longchamp en essayant de résister à l’appel du Fast Pack sur les séances de récupération.
C’est passer des heures dans les bouchons parisiens pour se rendre au vélodrome national de Saint Quentin en Yvelines, sur un créneau nocturne 20h_22h
C’est accepter d’avoir une moyenne avoisinant les 20kh pour aller en Vallée de Chevreuse, avec les 45 feux de circulation à passer sur les 25 premiers et derniers Kms (oui, je fais partie du pourcentage minime de Parisien qui s’arrête aux feux rouges). Tout cela, si tu ne croises évidemment pas de mésaventures, style tessons de bouteilles ou autres portières de voiture...
Mais, attardons-nous sur le positif de la situation ; tous les chemins mènent à Paris et cela facilite grandement mes déplacements à l’international. Ma carte grand voyageur est plus que jamais activée, mon passeport devient ma deuxième peau, mes post Instagram s’enchaînent et les cafés de gare anglaise, belge, néerlandaise n’ont plus beaucoup de secret pour moi.
Cette année, plus de 20 déplacements depuis le mois de février ; 60 heures de voiture, 50h de train et d’avion. Notons, qu’au-delà des dossards, il est important de considérer l’impact sur la fatigue engendrée par les trajets. Cette logistique est un aspect à prendre en compte dans la gestion d’une saison et les disparités entre les équipes sont notables. Nous y reviendrons..
Parlons maintenant dossards, j’ai eu la chance de prendre part à de belles courses UCI françaises : Tour de Bretagne, GP Fourmies et Isbergues, Ventoux Challenge..
de valider mon appétence pour les pavés dans le pays du vélo : Le Samyn, le GP E3, Binche Chimay Binche, Leiedal Koerse, la Ronde de Mouscron et de découvrir le circuit WorldTour sur la Ride London, Bruges de Panne et le GP de Plouay.




Clairement les résultats bruts ne sont pas à la hauteur de mes espérances sur ce début de saison. Je ne travaille pas aussi dur à l’entrainement pour me satisfaire « d’une place peloton ».
Comme dirait, Nelson Mandela « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Il est évident que cette année, j’apprends plus que je gagne. Mais l’expérience et mon dévouement pour l’équipe sont très riches d’enseignement.
La saison 2025 est déjà sur le pas de la porte. Je vais bénéficier des vacances de mon job n°2 pour consacrer quelques heures supplémentaires à mon job n°1.. (Effectivement je hiérarchise légèrement mes jobs..)
Le décor est planté, pour connaître l’envers du décor, suite au prochain épisode...
Evidement mes écrits n’engagent que mon clavier. Sachez tout de même, que je vais prendre un malin plaisir à décortiquer « l’intérieur » du peloton international féminin dans mes prochaines chroniques.